Il me fixa longuement, l'air dépité.
Peu à peu, semblable à un acide dévorant, la colère déforma on visage.
Pourtant, c'était moi, le visage étranger, celui qu’il ne reconnaissait plus.
J'aurai pu déserter la pièce, mais j'en étais incapable.
J'attendais plantée là, presque peinée, sous son regard devenu vide.
Je venais de terminer le jeu.
Un jeu tordu, un tissu de mensonges, rythmé d'illusions et de coups bas.
J'aimais cette récréation, quand lui redoutait la sonnerie.
Il avait joué ses plus belles cartes, espérant sortir vainqueur.
Mon abandon, synonyme de victoire pour mon adversaire,
était la défaite la plus amère qu'il n'est jamais connue.
Quelle victoire pour celui qui n'est pas récompensé ?
Cette récompense, c'était moi.
Je m'étais offerte à ce jeu comme on dit s'offrir à celui ou celle que l'on aime.
Pourtant, je n'ai jamais eu l'intention d'aimer.
Un règle cruciale que je m’étais fixée pour abattre le roi.
J'avais battu celui qui, plus d'une fois, avait su tirer son épingle du jeu.
Tirer la corde tellement fort, que je faillis perdre l'avantage.
Il était bon joueur, mais quelque chose le trahissait.
Je le voyais.
Non pas dans ses gestes ou dans sa manière de lacer ses pions,
domaine dans lequel il excellait,
mais dans son regard.
C'était l'amour.